La cryptomonnaie va-t-elle vraiment s’installer dans notre quotidien ou n’est-ce qu’une mode passagère ? Tout porte à croire que la crypto sera la prochaine “révolution industrielle”, et c’est même une révolution qui s’opère déjà sous nos yeux. Il y a plusieurs signaux qui s’accumulent : l’arrivée de géants de la finance traditionnelle comme BlackRock et Fidelity sur le Bitcoin, des placements massifs par les entreprises de leur trésorerie en cryptomonnaies et massives par les entreprises et surtout un revirement spectaculaire des États-Unis sur le sujet. En clair, la crypto n’est plus seulement à la marge. Elle se fait, doucement mais sûrement, une place dans les soubassements du système financier mondial.
Cryptomonnaies et blockchain : c’est quoi la différence ?
Sommaire
La blockchain et les cryptomonnaies, s’agit-il de la même chose ? Pas du tout, et c’est important de bien comprendre la distinction.
La blockchain, c’est la technologie sous-jacente : le meilleur moyen de la comprendre est de penser à un grand livre de comptes partagé entre des milliers d’ordinateurs, où chaque transaction est inscrite de manière indélébile et transparente. Personne ne peut tricher… car tout le monde surveille.
Les cryptomonnaies, elles, sont les “jetons” numériques qui circulent sur ces blockchains. Voilà pourquoi on parle de bitcoin ou de BTC sur la blockchain Bitcoin, de l’Ether ou ETH sur Ethereum, et ainsi de suite.
Ce qui est intéressant, c’est que la technologie blockchain a des applications qui vont au-delà de la simple monnaie numérique. Elle peut servir à tracer l’origine des produits alimentaires, sécuriser des diplômes, créer des contrats qui s’exécutent automatiquement (on les appelle “smart contracts” pour cela), ou encore permettre la propriété d’objets numériques dans les jeux vidéo.
Chaque nouveau cas d’usage peut donner naissance à une nouvelle cryptomonnaie spécialisée. C’est d’ailleurs cette diversité d’applications qui explique pourquoi on voit régulièrement apparaître des cryptos qui multiplient leur cours par 1000, voire davantage ! Le marché reste euphorique et spéculatif : quand une nouvelle crypto prometteuse émerge avec une vraie innovation, les investisseurs s’enflamment en espérant avoir trouvé le prochain Ethereum (qui est passé de 0,30$ à plus de 4 000$ en quelques années).
Concrètement, une crypto qui résout un problème dans le gaming, l’intelligence artificielle ou la finance décentralisée peut devenir une crypto x1000 et voir sa capitalisation passer de quelques millions à plusieurs milliards si elle devient la référence de son secteur. C’est spéculatif, certes, mais cela reflète aussi l’immense potentiel de disruption de ces technologies.
La crypto résout déjà des problèmes concrets du quotidien
Les transferts d’argent internationaux coûtent-ils vraiment si cher qu’on ait besoin de la crypto pour les remplacer ? Absolument, et c’est déjà une réalité. Aujourd’hui, envoyer de l’argent à l’étranger via les circuits bancaires traditionnels coûte en moyenne 6% du montant transféré et prend plusieurs jours.
Les cryptomonnaies, et particulièrement ce qu’on appelle les stablecoins (des cryptos dont la valeur reste stable car adossée au dollar), permettent des transferts quasi instantanés pour à peine quelques centimes en frais.
Prenons l’exemple concret de Stripe, le géant américain du paiement en ligne. Depuis octobre 2024, cette entreprise qui traite 1 400 milliards de dollars de transactions par an permet à ses marchands d’accepter des paiements en USDC (une cryptomonnaie stable adossée au dollar américain).
En octobre 2025, Stripe est allé encore plus loin en lançant les abonnements payables en crypto, avec un système ingénieux : les clients paient depuis leur portefeuille numérique, mais les commerçants reçoivent directement des dollars sur leur compte bancaire. Concrètement, cela signifie qu’une entreprise américaine peut désormais recevoir un paiement d’un client au Nigeria ou aux Philippines instantanément et pour une fraction du coût habituel.
Ce n’est pas un cas isolé, puisque MoneyGram, l’un des leaders mondiaux du transfert d’argent, utilise elle aussi la blockchain. Elle utilise plus précisément le réseau Stellar pour faciliter les envois de fonds. Quelqu’un peut donc vous envoyer des USDC depuis le Canada, et vous pouvez les retirer à un point MoneyGram en Croatie en pleines vacances.
Pareil avec Strike, une application de paiement, qui permet d’envoyer de l’argent partout dans le monde en utilisant le réseau Bitcoin comme infrastructure. Le tout sans que l’utilisateur ait besoin de comprendre la technologie sous-jacente. En clair, la crypto devient invisible mais indispensable, comme l’est devenu Internet pour envoyer des emails.
La crypto devient un véritable actif financier reconnu
Peut-on vraiment investir dans la crypto aussi facilement qu’en Bourse ? La réponse est désormais oui, et là aussi c’est un changement majeur. L’arrivée des ETF (Exchange-Traded Funds, ces fonds d’investissement cotés en Bourse) dédiés aux cryptomonnaies a changé beaucoup de choses. Ces produits financiers permettent d’investir dans le Bitcoin ou l’Ethereum aussi simplement qu’on achèterait une action Apple ou Total.
BlackRock, plus grand gestionnaire d’actifs au monde, a lancé son ETF Bitcoin en premier. Et celui-ci est déjà le plus rentable de l’histoire de la société, puisque les frais que le produit génère sont énormes avec plus de 87 milliards de dollars d’argent placé par les investisseurs.
Ce chiffre donne le vertige : c’est plus que la capitalisation boursière de nombreuses entreprises du CAC 40 ! D’autres cryptomonnaies comme Solana et XRP devraient obtenir leurs propres ETF en 2025, selon toute vraisemblance.
Mais le phénomène le plus intéressant, ce sont les “treasury companies”. Comme leur nom l’indique, ce sont des entreprises qui utilisent leur trésorerie pour acheter des cryptos.
MicroStrategy (rebaptisé “Strategy” récemment), une entreprise de logiciels, détient aujourd’hui pour plusieurs milliards de dollars de Bitcoin dans ses coffres. Son action en Bourse est devenue ce qu’on appelle un “proxy” (un moyen indirect) pour investir dans le Bitcoin. Autrement dit, acheter l’action MicroStrategy, c’est indirectement parier sur la hausse du Bitcoin, mais avec la sécurité d’investir dans une entreprise cotée et régulée.
Trump Media & Technology Group, l’entreprise du fantasque président américain, a elle-même déposé des demandes pour plusieurs ETF crypto. L’un d’eux, le “Truth Social Crypto Blue Chip ETF”, contiendrait un mélange de Bitcoin (70%), Ethereum (15%), Solana (8%), Cronos (5%) et XRP (2%). Cela veut tout simplement dire que même les entreprises les plus mainstream veulent offrir à leurs investisseurs un accès diversifié aux cryptomonnaies.
La blockchain transforme l’infrastructure de la finance traditionnelle
Les banques traditionnelles vont-elles vraiment adopter la blockchain ? Non seulement elles vont le faire, mais elles ont déjà commencé.
Récemment, dix des plus grandes banques mondiales – incluant Goldman Sachs, Bank of America, Deutsche Bank, BNP Paribas et Santander – ont annoncé travailler ensemble sur un projet de stablecoin commun. Ce terme fait référence à une monnaie numérique dont la valeur reste stable car garantie par des réserves en dollars ou en euros.
Cette initiative n’est pas anodine. Tout simplement parce que ces banques, qu’on appelle “systémiquement importantes” (leur faillite pourrait faire s’écrouler le système financier mondial), reconnaissent ainsi que la technologie blockchain peut améliorer les paiements internationaux.
Leur objectif serait donc de créer une infrastructure permettant des transferts instantanés entre pays, là où il faut aujourd’hui plusieurs jours et des frais importants. Dans le détail, le projet vise les devises du G7 (dollar, euro, yen, livre sterling, etc.) et pourrait créer le premier réseau multi-devises géré par des institutions financières traditionnelles.
En Europe, on contre-attaque pour ne pas céder tout le leadership aux Américains. Un consortium séparé de neuf banques, mené par ING et UniCredit, prépare le lancement d’un stablecoin euro pour mi-2026. Dans la pratique, il faut tout de même savoir que cette transformation prendra du temps. Les banques doivent s’assurer que tout est parfaitement sécurisé et conforme aux régulations.
Mais le mouvement est lancé : SWIFT, le réseau utilisé par 11 000 banques pour leurs transferts internationaux, teste déjà des paiements en stablecoins sur la blockchain Ethereum. JPMorgan a lancé son token JPMD pour représenter les dépôts en dollars, HSBC propose un service de dépôts tokenisés pour ses clients entreprises, et la Société Générale a créé son propre stablecoin EURCV adossé à l’euro.
Ce qui semblait impossible il y a cinq ans (voir les banques traditionnelles adopter la blockchain) est aujourd’hui une réalité en construction.



